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28 mai 2009 4 28 /05 /mai /2009 07:10

(mardi 26 mai)

 

Farewell programme at Sumana Halli

 

Hier, après le cours de guitare, je reste à Sumanahalli pour la soirée, il y a apparemment un programme pour mon départ, et celui de Brother Shino. Ca me rappelle beaucoup le farewell programme de Pampady et encore une fois, je serai bien triste de les quitter tous ! Lingaraju joue un air de guitare, Santosh chante une chanson en kannada, des danses, un spectacle de bâton du diable, puis les habituels petits mots pleins de reconnaissance, c’est touchant. J’ai l’impression qu’en Inde les gens parlent très directement, sans détour, que ce soit pour critiquer comme pour complimenter. En France on aurait une certaine pudeur dans les mots et on témoignerait de notre gratitude à travers un cadeau, un bouquet de fleur.



                 


               
    



Gestes indiens

 

            Hanna et Inès, allemandes, volontaires au centre Bosco Mane, ont aussi passé la soirée là. Lors d’une discussion sur notre retour imminent, nous parlons des gestes indiens qui nous sont désormais naturels… et nous nous apercevons avec un brin d’étonnement qu’on ne réussit plus à faire naturellement les gestes occidentaux comme « viens », « non », « un, deux, trois »… mais ça reviendra vite une fois rentrées !

 

 

L’anglais indien, pour les anglicistes

 

Un ptit mot sur l’anglais indien, ou l’indien anglais :

On prononce les th comme des t, les w comme des v, les r sont roulés.

On met des no à la fin des phrases.

Et des itself et only un peu partout. Par exemple à la question Where do you live ? on répondra souvent here itself, ou here only.

Et tout ça avec une tonalité particulière : par exemple everything se dira eeeeeeeeverything.

 

 

 

Avec le staff de Don Bosco à la gare.

Presque 300 enfants par mois sont trouvés et pris en charge.

 

J’avais demandé à Fr Cyriaque s’il est possible d’accompagner un jour le staff à la gare ou sur le marché, et il m’a proposé d’y aller ce matin. Super accueil dans la petite cabine platform 2 (au passage : je ne finirai jamais d’être émerveillée par l’accueil des gens en Inde !). Vinarasi, alias Viny, est toute heureuse de me voir car apparemment je lui rappelle une amie allemande qui est passée par ici il y a quelques années. Elle m’explique de nombreuses choses sur les enfants trouvés, sur la façon dont les membres du staff Don Bosco agissent… C’est toujours très intéressant.


     Pour rappel, ils trouvent entre 250 et 300 enfants par mois (à Chennai : entre 60 et 120), la priorité étant toujours de retrouver leur famille. Ce qui est le cas pour 90 % d’entre eux.

Les autres sont accueillis dans différents centres, selon ce qui est le mieux adapté pour eux. Il y a aussi deux open-shelter : pour les enfants qui préfèrent rester dans la rue, on leur offre dans ces shelters de quoi manger et un abri pour la nuit s’ils le souhaitent. C’est aussi un moyen de garder contact avec eux pour leur proposer ensuite d’être accueillis dans les centres et d’aller à l’école.


     Alors que nous marchons, Viny a l’œil ouvert, et n’hésite pas quand il le faut à dire à un enfant de retourner auprès de ses parents, leur expliquant ensuite de ne pas laisser leur enfant seul loin d’eux. Les hotel brokers ne sont pas rares.

-         Les hotel brokers ?

-         Ce sont les gérants d’hotel qui sont à la recherche de main d’œuvre : pour la vaisselle, le ménage, etc. Ils proposent un travail sous-payé aux enfants, et parfois ne les payent même pas à la fin du mois.

-         Que peut-on faire si on voit un enfant travailler dans un hôtel ?

-         S’il a moins de 14 ans, il faut absolument avertir quelqu’un, téléphoner à la childline (ligne téléphonique pour l’aide aux enfants : 10-9-8) par exemple. Il y a aussi beaucoup de problèmes de prostitution, il faut être vigilant. Ou parfois, des personnes menacent au couteau des enfants seuls et les forcent à les suivre, les disparitions sont nombreuses, c’est donc toujours mieux de prévenir.


     Un peu plus loin, Viny porte son regard sur un enfant assis à côté d’un jeune homme. Elle s’approche et demande à celui-ci s’il connaît l’enfant, qui se met à pleurer. Tout en douceur, elle lui parle, et l’emmène dans la cabine Don Bosco, où le staff va ensuite s’occuper de l’aider à régler ses soucis. Pendant le counselling pris en charge par un autre membre du staff, Viny continue à m’expliquer…

-         Comme l’école recommence en juin, on trouve beaucoup d’enfants en juin juillet août, ils s’enfuient car ne veulent pas aller à l’école.

-         Ils n’aiment pas l’école au point de s’enfuir… Il doit y avoir des problèmes à l’école, ils ont peur de quelque chose ? Des professeurs ?

-         Ca dépend, si les professeurs les aiment bien, ça va, mais sinon, ça arrive qu’ils les frappent ou ne les respectent pas. Parfois les parents font des cadeaux ou donnent de l’argent, ainsi ils sont sûrs que le maître sera bon avec l’enfant. Mais moi je n’ai pas assez d’argent pour en donner au professeur, pourtant je serais prête à tout pour que mes deux filles aient une bonne éducation. L’année dernière, je n’ai pas pu payer d’un coup les 6000 roupies pour l’inscription, alors j’ai donné 3000 pour donner le reste ensuite. Alors le maître s’est mis à punir ma fille pour rien, la laisser à la porte toute la journée pour des broutilles. Comme mon mari boit, les 4000 Rs que je gagne par mois ne sont pas suffisant. En plus, mes parents sont décédés tous les deux à un mois d’intervalle l’an dernier, ça n’a pas aidé.

-         Je pensais que dans les écoles privées, les enfants étaient plus respectés que dans les écoles gouvernementales (publiques)… Apparemment pas toujours. Pourquoi alors as-tu préféré inscrire tes enfants dans le privé ?

-         Je sais que c’est plus cher, mais je veux que mes filles aient une bonne éducation, et dans les écoles gouvernementales, les professeurs n’ont aucun diplôme, comment peuvent-ils enseigner des choses aux enfants s’ils n’ont pas eux-mêmes les connaissances ? Et puis les cours sont en kannada, je veux que mes filles sachent bien parler l’anglais, c’est important.

 

Un peu plus tard, dans le rickshaw…

-         C’était mon mari au téléphone. Il veut que je lui apporte de l’argent.

-         Ne lui donne pas, il ne faut pas que ton argent parte dans ses boissons… Garde le pour toi et tes enfants !

-         Mais je ne peux pas… What to do ? What to do Ma ?

Voyant que cela lui fait du bien de parler, je n’hésite pas à lui demander :

-         Il te bat sinon ?

-         Oui, le soir.

-         Il faut faire quelque chose. Tu en parles à quelqu’un ?

-         A qui pourrais-je parler ? Je pouvais parler à mes parents, avant, mais maintenant ils sont morts. Il faut se méfier quand on dit des choses. Mon mari pourrait à son tour dire tout ce qu’il veut sur moi, et ce serait pire.

 

Dans la culture indienne, la réputation et le regard des autres comptent énormément. Se retrouver exclus d’un groupe est la pire des choses qu’il puisse arriver à quelqu’un. Ici c’est une société de groupe, et non pas une société centrée sur l’individu, comme chez nous où l’on est, par conséquent, beaucoup plus libre.

 

Après réflexion…

-         Oui, je ne sais pas ce que tu peux faire, et tu n’es certainement pas la seule dans ce cas.

-         What to do Ma ? What to do I don’t know.

 

Encore et toujours, ce sentiment d’impuissance.

 

-         Je vais continuer à travailler et à prier, et ne pas baisser les bras. Mes enfants auront une bonne éducation, c’est le principal, je ne demande rien d’autre. Et puis, quand c’est plus dur et que je me sens seule, Dieu répond à mes prières et m’envoie toujours quelqu’un pour m’aider et me soutenir. Toujours. Regarde, aujourd’hui c’était toi. Je garde confiance.

 

Et dire qu’elles sont des milliers dans son cas, voire plus si on se réfère à l’échelle mondiale, à se retrouver dans le cercle vicieux du mari alcoolique et des enfants à nourrir. La childline, les centres Don Bosco et de nombreuses autres initiatives et ONG s’occupent des enfants, ce qui est déjà très bien. Enormément d’initiatives aussi partout dans le monde à travers le microcrédit et les groupements de femmes, pour aider des gens motivés à sortir de la pauvreté. Mais dans le cas de Viny, que faire ? (Quelqu’un a-t-il une idée ?) Et la culture indienne ne facilite pas la tâche.

 

Ceci dit, tout ça ne l’empêche pas d’avoir de l’énergie à revendre et de faire son métier avec passion ! Elle me dit même à plusieurs reprises qu’elle remercie souvent Dieu car Il lui a donné un très beau métier : sauver des enfants.

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